L’investissement responsable est-il moins performant ?

  • Garance - Analyste ISR
19
February
2025

Ce qu’il faut retenir 

  • Il est temps de mettre fin à une idée reçue largement répandue en investissement : non, l’investissement responsable n’implique pas nécessairement de sacrifier la performance ! Si la recherche académique n’apporte pas de réponse claire et unanime, les méta-analyses révèlent une performance similaire ou voire supérieure des investissements responsables par rapport aux investissements traditionnels. À l’inverse, ils ont tendance à se montrer moins risqués à niveau de rendement équivalent
  • Théorie des coûts : l’investissement responsable implique-t-il des coûts supplémentaires, qui se répercutent sur la performance du client final ? Et bien… non. Une étude récente de Morningstar révèle notamment que les fonds d’investissement responsables sont même moins chers que leurs équivalents traditionnels.
  • Diversification réduite ? Non plus ! Malgré un univers d’investissement restreint, les portefeuilles ISR peuvent eux-aussi atteindre une diversification optimale. La recherche académique montre qu’une diversification optimale peut-être atteinte à partir d’une dizaine de titres seulement, à condition bien sûr d’opérer une sélection rigoureuse de ces derniers. 
  • À long terme, l’investissement responsable tire son épingle du jeu. C’est ce qu’on appelle l’effet d’apprentissage : à court terme, les stratégies ISR peuvent sous-performer, mais à moyen et long terme, ces investissements tendent à réduire l’écart, voire à surperformer. Raison supplémentaire pour adopter une approche long-termiste dans la gestion de ses investissements. 
  • Si les analyses empiriques mettent en lumière la capacité de l’investissement responsable à performer dans le passé, cette tendance devrait s’accélérer. Les catalyseurs sont là : accélération des conséquences du changement climatique, grand défi des actifs échoués, cadre réglementaire… Autant de bonnes raisons de privilégier l’investissement responsable face aux alternatives traditionnelles.  

Introduction

Depuis quelques années, l’investissement socialement responsable (ISR) gagne du terrain. Pourtant, une idée reçue persiste : concilier impact positif et rendement financier serait un pari impossible. En 2017, une étude menée par KPMG1 révèle que 56% des acteurs interrogés (émetteurs, investisseurs et gestionnaires d’actifs français) estiment que la crainte d’une sous-performance de l’ISR est un frein à son développement.

Mais est-ce vraiment le cas ? L’investissement socialement responsable est-il réellement moins performant que les investissements traditionnels ? Existe-t-il des actifs performants et responsables ? 

Cet article propose d’examiner la question sous plusieurs angles : en définissant les concepts d’ISR et de performance, en discutant des études académiques menées sur le sujet, et en explorant les mécanismes qui expliquent ces résultats.

1. Définir les concepts : investissement responsable et performance

1.1. Qu’est-ce que l’investissement responsable ?

L’investissement socialement responsable (ISR) est un concept vaste et multidimensionnel, dont la définition varie en fonction des acteurs et des objectifs poursuivis. Pour généraliser, il désigne l’ensemble des approches visant à intégrer des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans les décisions d’investissement. Mais au-delà de la notion d’ESG, l’investissement responsable inclut aussi d’autres notions comme la finance verte, la finance solidaire ou encore les fonds thématiques… 

Lire aussi : Pourquoi investir de manière responsable avec des ETF ESG ?

Par ailleurs, la sélection d’investissements avec un prisme responsable peut s’appuyer sur de multiples méthodologies : 

  • Best-in-class : investir dans les entreprises les mieux notées sur les critères ESG au sein de leur secteur d’activité.
  • Best-in-universe : choisir les entreprises les mieux notées sur le plan ESG, indépendamment de leur secteur. Cela implique généralement une forte concentration sectorielle. 
  • Negative screening : exclure des secteurs ou activités jugés controversés (tabac, énergies fossiles, armement, etc.).
  • Positive screening ou approches thématiques : cibler des projets ou entreprises ayant un impact positif sur des enjeux ou thématiques précis, comme la transition écologique ou l’égalité sociale.

Non seulement l’ISR regroupe une diversité d’approches et de méthodologies, mais ce concept peut surtout s’appliquer à toutes les typologies d’actifs : actions cotées, obligations, private equity, actifs immobiliers ou encore infrastructures. Cette diversité contribue à la richesse de l’investissement responsable mais complexifie aussi son évaluation en termes de performance purement financière.

Lire aussi : Comprendre l’investissement socialement responsable

1.2. Qu’entend-on par "performance" ?

Dans le cadre de cet article, l’objectif est de discuter de la performance purement financière des investissements. Néanmoins, force est de constater que les actifs performants et responsables créent souvent de la valeur à bien d’autres égards, qu’il s’agisse d’une performance sociale, environnementale, culturelle…

 

La performance financière se mesure principalement à travers :

  • Le rendement absolu : le gain ou la perte générée par l’investissement.
  • La performance corrigée du risque : qui tient compte de la volatilité et des risques associés pour offrir une vision plus précise de la rentabilité.
  • La volatilité : indicateur de stabilité ou d’instabilité des rendements.

Lorsqu’on s’intéresse à la performance financière, c’est-à-dire au retour sur investissement d’un placement financier, il est primordial de considérer l'horizon de temps dans lequel on se place. En effet, celle-ci peut varier considérablement selon la période de temps considérée. Certains investissements responsables, particulièrement ceux visant à faciliter des transformations structurelles (comme la transition énergétique), sont fondamentalement axés sur le temps long.

 

Lire aussi : Quelles sont les meilleures solutions d'épargne à long terme ?

Dans le cadre de l’assurance vie, l’horizon d’investissement de long terme permet justement de concilier investissement responsable et performance financière. Les meilleurs fonds socialement responsables jouent un rôle essentiel en alliant ces deux dimensions, prouvant que performance et responsabilité ne sont pas incompatibles.

Un autre aspect crucial à considérer est l’ampleur de la performance au regard du risque encouru. Le rendement absolu d’un investissement doit être mis en perspective, dans la mesure où celui-ci est corrélé au risque encouru, or l’appétence au risque est propre à chaque investisseur. 

Enfin, il est important de distinguer la performance des titres responsables eux-mêmes de celle des portefeuilles responsables. Si les premiers composent les seconds, les portefeuilles bénéficient des effets de diversification sectorielle et géographique, facteur clé de la performance financière d’un placement financier. 

Finalement, la difficulté à établir un lien de causalité entre performance et ISR réside dans le nombre de variables susceptibles d’influencer le résultat observé : horizon de temps, risque encouru, classe d’actifs, approche méthodologique…

2. Analyse des études et recherches sur la performance de l’ISR

2.1. Que dit la recherche académique ?

La question de la performance de l’investissement responsable n’est pas nouvelle, elle a d’ailleurs été au centre de nombreuses recherches académiques ces dernières années, mais les conclusions restent étonnamment hétérogènes.

D’un côté, certaines études soulignent une surperformance des investissements responsables, arguant que les entreprises qui prennent en compte les enjeux sociaux et environnementaux sont mieux préparées aux risques et aux opportunités de long terme, améliorant ainsi leur rentabilité et leur résilience : les actifs performants et responsables ne sont pas une utopie. D’autres recherches, cependant, tendent à montrer que les contraintes spécifiques à l’ISR – exclusion de certains secteurs, coûts de mise en conformité ESG, choix d’actifs moins liquides – pèsent sur la performance financière, entraînant une sous-performance par rapport aux investissements conventionnels.

Face à ce manque de consensus, plusieurs méta-analyses ont tenté de synthétiser les résultats disponibles. Parmi elles, l’étude de Revelli et Viviani (2011) s’est penchée sur la fiabilité des conclusions des recherches académiques sur le lien de causalité entre ISR et performance, tout en examinant l’influence des méthodologies de recherche employées.

Leur analyse révèle que les résultats des études sur la performance de l’ISR sont fortement influencés par les choix méthodologiques, notamment les critères de performance retenus, les échantillons analysés ou les horizons temporels considérés. Malgré ces différences, une tendance globale se dessine : les auteurs relèvent principalement des relations de causalité positives ou neutres entre l’investissement responsable et la performance financière. Autrement dit, l’ISR ne semble pas nuire systématiquement à la rentabilité et, dans certains cas, il peut même offrir un avantage compétitif.

Dans la partie 3 de cet article, nous reviendrons sur les différentes théories économiques et financières qui visent à expliquer la sur- ou sous-performance des investissements responsables par rapport aux investissements conventionnels. 

2.2. Analyse empirique des performances

Peut-on réellement concilier investissement responsable et performance financière ? Que disent les chiffres ?

Concrètement, si l’on s’intéresse à l’analyse empirique des performances des indices ISR, on constate que l’intégration de critères ESG peut non seulement rivaliser avec l’investissement traditionnel, mais aussi optimiser la gestion des risques, en particulier dans une perspective à long terme.

Comparons la performance de 3 indices au 31 décembre 2024 :

  • le MSCI World : cet indice est représentatif des grandes et moyennes capitalisations de 23 pays des marchés développés. Avec 1 395 composants, l'indice couvre environ 85 % de la capitalisation boursière dans chaque pays.
  • le MSCI World SRI : comme son indice parent le MSCI World, l'indice MSCI World SRI comprend des actions de grande et moyenne capitalisation dans 23 pays des marchés développés. Avec 383 composants, il cible les entreprises ayant les meilleures notes ESG et exclut les sociétés dont les produits ont des impacts sociaux ou environnementaux négatifs. Il est conçu pour les investisseurs qui recherchent un indice de référence diversifié en matière d'investissement socialement responsable (ISR).
  • et le MSCI World SRI Filtered PAB : comme son indice parent le MSCI World, l'indice MSCI World SRI Filtered PAB comprend des titres de grande et moyenne capitalisation dans 23 pays développés. Avec 327 composants, il est beaucoup plus concentré que le MSCI World et cible les entreprises ayant des notes ESG élevées par rapport à leurs pairs du secteur et s’aligne aux exigences de la réglementation Paris Aligned Benchmarks (PAB).

Les performances passées ne préjugent pas des performances futures. 

Le ratio de Sharpe est un ratio rendement/risque qui permet de mesurer la performance d’un portefeuille au regard du risque encouru. Il augmente lorsque le rendement augmente, ou lorsque le risque diminue. Plus le ratio est élevé, plus le portefeuille est performant d’un point de vue rendement/risque.

Le Maximum Drawdown est une mesure de risque qui représente la perte maximale enregistrée par un portefeuille à partir de son sommet (point le plus haut) jusqu'à son creux (point le plus bas) avant un nouveau sommet. Il est exprimé en pourcentage et permet d’évaluer la pire perte subie sur une période donnée.

Dans cet exemple, on remarque que : 

  • Non seulement les indices MSCI World SRI et MSCI World SRI Filtered PAB surperforment le MSCI World à moyen/long terme (à partir de 5 ans),
  • mais ils se distinguent aussi par un meilleur ratio rendement/risque (ratio de Sharpe),
  • et un max drawdown plus faible.

Ces éléments démontrent que l’intégration de critères ESG peut non seulement rivaliser avec l’investissement traditionnel, mais également optimiser la gestion des risques, en particulier dans une perspective à long terme.

Cet exemple illustre aussi un phénomène souvent décrit comme « l’effet d’apprentissage » mis en lumière par Bauer et al. (2005)3. À court terme, les stratégies ISR peuvent sous-performer, mais à moyen et long terme, ces investissements tendent à réduire l’écart, voire à surperformer4. D’où l’importance d’adopter une approche long-termiste lorsqu’on s’intéresse à l’investissement responsable

Bien sûr, ces résultats doivent être nuancés. Cet exemple illustre la capacité de l’ISR à surperformer un investissement traditionnel, mais il ne saurait être pris comme une vérité générale. Les indices ISR reposent sur des critères de construction spécifiques, mais tous ne se valent pas en termes de performance générée. Cela souligne aussi la pertinence de la gestion active en matière d’investissement responsable, du fait de la capacité d’un gérant à sélectionner les meilleures opportunités d’investissement tout en générant de l’impact. Les indices ISR tendent aussi à être concentrés sur quelques grandes entreprises, notamment technologiques, dont la durabilité est parfois remise en cause. Cela peut par ailleurs augmenter leur exposition à des risques spécifiques. De plus, les performances historiques de ces indices reposent en partie sur des simulations backtestées, alors que les indices SRI et SRI Filtered PAB ont été créés respectivement en 2011 et 2020.

Toutefois, et malgré ces arguments, le MSCI World reste un indice clé de la santé des marchés financiers et notamment de la performance des grandes capitalisations mondiales. Les indices SRI et SRI Filtered PAB, s’ils ne sont pas parfaits, illustrent la possibilité de concilier performance et responsabilité

Analyse - Le cas d’école de l’année 2022

L’année 2022 a marqué une période de sous-performance importante pour les fonds responsables. Cette situation s’explique principalement par :

  • Une forte exposition aux entreprises technologiques dans ces fonds, qui ont été particulièrement affectées par la hausse des taux d’intérêt.
  • Une forte exposition au secteur des énergies renouvelables, lui aussi très sensible à la hausse des taux d’intérêt, notamment en raison de son fort niveau d’endettement. 
  • Une exclusion fréquente du secteur de l’armement, naturellement performant en période de conflit armé.  

Une étude d’AXA IM a mis en lumière l’impact majeur de cette année 2022 sur la perception et la confiance des épargnants envers les investissements ESG. 

  • Non seulement, les épargnants croient moins en la surperformance des fonds ESG (36% en 2023 contre 48% en 2021) ...
  • … mais ils détiennent aussi moins de fonds responsables dans leurs portefeuilles (seuls 22% des épargnants en détiennent, contre 26% en 2023). 

D’où l’importance de maintenir une approche sur le long terme, et de mettre fin aux idées reçues sur la volatilité et la rentabilité de ces fonds

Il faut enfin garder un regard critique sur la performance de l’investissement responsable et ne pas se laisser emporter par des conclusions hâtives.

Certains secteurs de la transition écologique, comme les énergies renouvelables, sont naturellement volatils, mais aussi très sensibles aux variations des taux d’intérêt et peuvent connaître des cycles de sous-performance marqués. L’année 2022 l’illustre parfaitement. Mais la rentabilité de l’investissement responsable dans son ensemble ne peut pas se résumer à celle des énergies renouvelables.

Lire aussi : Énergies renouvelables : pourquoi est-il important de s’y intéresser ?

Affirmer que l’ISR n’est pas rentable dès lors que les fonds d’énergies renouvelables sous-performent, équivaut à résumer la performance des investissements traditionnels à celle des ETF Pétrole. C’est un raccourci très répandu dans l'inconscient collectif, mais qui peut s’avérer fallacieux. En effet, l’investissement responsable peut concerner de nombreux secteurs, allant de la santé à l’immobilier en passant par les énergies renouvelables et la mobilité bas carbone. Si les énergies renouvelables jouent un rôle clé dans la transition écologique, elles ne sont qu’une partie de la solution. 

3. Théories de la performance en matière d’investissement responsable 

Vous l’aurez compris, de nombreuses études ont été réalisées pour tenter de répondre à une question clé : l’investissement socialement responsable (ISR) est-il source de surperformance, ou bien implique-t-il de sacrifier une partie de la rentabilité purement financière au profit d’objectifs non financiers ?

Dans cette partie, nous explorons les principales théories qui soutiennent l’une ou l’autre des hypothèses, en commençant par deux arguments très répandus et allant plutôt dans le sens d’une sous-performance des investissements responsables. 

3.1. La théorie des coûts : plus cher, donc moins performant ? 

La théorie des coûts de l’investissement responsable est souvent avancée pour justifier la sous-performance de l’ISR par rapport aux investissements conventionnels. Cette théorie repose sur l'idée que la mise en place de critères ISR génère des coûts spécifiques (scoring ESG, engagement actionnarial, exclusions sectorielles…) pouvant peser sur la rentabilité globale d’un portefeuille. 

Rudd (1981)7 mentionne notamment les frais de transaction, qui incluent les commissions de courtage et les dépenses engagées pour exclure ou intégrer certains titres en fonction des critères ESG. Luther et al. (1992)8 parlent de coûts de surveillance (monitoring costs).

Toutes ces contraintes augmentent les frais opérationnels et pourraient réduire la rentabilité des entreprises et des portefeuilles responsables sur le long terme. 

Toutefois, si les frais liés à la mise en place d’une méthodologie ESG peuvent s’avérer coûteux en termes de performance, ils sont à mettre en parallèle au gain potentiel induit par ce parti-pris de l’investissement responsable.

 

Par ailleurs, les fonds responsables sont souvent perçus comme des options plus coûteuses pour les investisseurs. On suppose généralement que les coûts supplémentaires liés à l’intégration de critères ESG dans le processus de décision sont répercutés sur les investisseurs finaux. Pourtant, une étude de Morningstar Sustainalytics de juin 20249 révèle, au contraire, que les fonds ESG ne sont pas plus coûteux, en moyenne, que leurs homologues conventionnels : pour les six catégories Morningstar étudiées, les fonds ESG affichent un coût moyen de 0,83 %, contre 0,90 % pour les fonds conventionnels. Ces résultats confirment que les actifs performants et responsables peuvent bel et bien rivaliser financièrement avec les investissements traditionnels, malgré l’intégration de critères de durabilité.

3.2. Investissement responsable et diversification optimale 

Les critiques de l’ISR s’appuient souvent sur la théorie moderne du portefeuille de Harry Markowitz (1952)10. Selon Markowitz, la diversification est l’instrument clé pour optimiser le rapport entre risque et rendement d’un portefeuille. Or, les investissements responsables intègrent généralement des exclusions sectorielles et des filtres ESG, restreignant ainsi l’univers d’investissement et réduisant la capacité de diversification. Par conséquent, cela limiterait la capacité d’un portefeuille responsable à atteindre un ratio rendement risque optimal.

Lire aussi : La pyramide de l’épargne, ou comment diversifier son patrimoine financier

Cependant, des études montrent que quelques dizaines de titres suffisent à apporter de la diversification. Selon Statman (1987)11 :

  • 54 % de la volatilité d’un portefeuille est éliminée lorsqu’il passe de 1 à 14 actions.
  • À partir de 40 titres environ, le gain marginal en termes de réduction de volatilité devient négligeable.

 

Certaines études arguent même que 6 à 15 titres suffisent pour une diversification optimale !12, 13 

En réalité, la diversification n’a de sens que si elle est réfléchie et optimisée. Une diversification bête et méchante, en multipliant les titres détenus en portefeuille, augmente aussi les chances de sélectionner des titres moins performants… 

Ainsi, un portefeuille ISR peut atteindre une diversification optimale, même à partir d’un univers réduit, à condition d’effectuer une sélection rigoureuse des titres.

Lire aussi : Comprendre la différence entre action et obligation : la clé d'un portefeuille diversifié

En effet, l’investissement responsable est souvent résumé aux énergies renouvelables ou aux voitures électriques. Pourtant, tous les secteurs de l’économie sont amenés à transitionner vers des pratiques plus durables et moins émettrices en GES, pour limiter le réchauffement global et le dérèglement climatique. L’investissement responsable, vu de manière holistique, peut tout à fait intégrer une diversification sectorielle et géographique efficace.

3.3. La théorie des parties prenantes

Une des théories souvent mentionnée lorsqu’on s’intéresse à la surperformance de l’investissement responsable est la théorie des parties prenantes (stakeholders theory), introduite par Freeman (1984)14.

Contrairement à la théorie des actionnaires (stockholder theory), qui privilégie uniquement les intérêts des actionnaires, elle élargit la définition de responsabilité de l’entreprise. Elle affirme que la responsabilité des entreprises ne se limite pas à la satisfaction des actionnaires et que celles-ci prospèrent en entretenant des relations durables avec l’ensemble des acteurs de leur écosystème, ses « parties prenantes ». 

Freeman définit une partie prenante comme « une personne ou un groupe sans le soutien desquels l’entreprise cesserait d’exister ». Cela inclut non seulement les actionnaires, mais aussi les employés, clients, fournisseurs et la société civile. La théorie des parties prenantes a notamment contribué au concept de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). 

Selon Igalens et Point (2009)15, « l’approche par les parties prenantes permet de créer de la valeur » en renforçant la réputation de l’entreprise, en attirant des investisseurs responsables et en fidélisant les clients.

L’engagement ou activisme actionnarial, en incitant les entreprises à adopter des pratiques responsables, joue un rôle clé dans cette dynamique. Ainsi, la théorie des parties prenantes offre un fondement solide pour comprendre comment l’ISR peut concilier performance financière et impact positif. 

Lire aussi : L’engagement actionnarial des sociétés de gestion, un pilier de l’investissement responsable

3.4. Prise en compte des risques & résilience des entreprises

Si l’on s’intéresse spécifiquement aux périodes de turbulences économiques, les investissements responsables peuvent s’avérer plus résilients face aux chocs des marchés. La crise sanitaire de 2020 en est le parfait exemple : les fonds ISR ont affiché une performance remarquable, surpassant souvent leurs homologues conventionnels.

Cette résilience s’explique par plusieurs facteurs, notamment la sélection d’entreprises de qualité, avec des bilans financiers solides. Ces attributs leur confèrent un avantage significatif lors des périodes de crise, car les investisseurs privilégient notamment ces entreprises en période de forte volatilité.

 

Par ailleurs, les fonds d’investissement responsables ont généralement une approche beaucoup plus proactive dans la gestion des risques, leur permettant de mieux anticiper et gérer les crises. La plupart d’entre eux intègre l’évaluation des risques physiques liés au changement climatique, extra-financiers, et sociaux dans leur processus de sélection des titres

.

Enfin, l’horizon de placement peut aussi expliquer la résilience de ces supports en période de chahut. En effet, les détenteurs de fonds ISR adoptent souvent une approche d’investissement à long terme, ce qui les incite à ne pas céder à la panique lors des périodes de volatilité. Il existe souvent une réelle confiance des investisseurs dans ce type de gestion, les incitant à ne pas liquider leurs portefeuilles lors de ces phases de marché.

3.5. Le rôle des investisseurs et des flux de capitaux

Certains auteurs mettent également en lumière le rôle joué par les investisseurs dans la performance des investissements responsables en orientant délibérément les flux de capitaux vers ces entreprises. Ces capitaux croissants peuvent offrir aux entreprises responsables des avantages compétitifs, notamment un coût du capital réduit, une meilleure solvabilité, et des conditions d'emprunt plus favorables.

Ces dernières années, les capitaux alloués aux actifs performants et responsables ont connu une croissance exponentielle. Dans son enquête annuelle sur l’investissement responsable (IR), l’AFG16 révèle que les encours de l’investissement responsable en France atteignent 2 531 milliards d’euros en 2023, marquant une progression solide de +5,8% sur le même périmètre par rapport à 2022 (déjà en hausse de 6,9%). Les fonds responsables (articles 8 et 9 au sens de la réglementation SFDR) représentent aujourd’hui 59% des encours totaux. Cette dynamique s'explique par une demande accrue des investisseurs pour des solutions durables et par une réglementation incitative, comme la taxonomie verte de l’Union européenne ou les directives sur la finance durable.

Selon Bauer et Hann (2010)17, les entreprises américaines ayant les préoccupations environnementales les plus fortes bénéficient d’un coût de la dette plus faible. Elles obtiennent également de meilleures notations de crédit et de solvabilité. 

Finalement, plusieurs arguments convergent révélant qu’il est possible de concilier investissement responsable et performance financière. Qu’en sera-t-il dans les années à venir ? Quelles perspectives pour les investissements responsables et performants à l’avenir ? 

4. Perspectives futures : quelles évolutions pour l’ISR ?

Qui n’a jamais entendu la phrase : "les performances passées ne préjugent pas des performances futures" ? Si c’est un adage célèbre en matière d’investissement, il s’avère particulièrement adéquat lorsqu’on parle d’investissement responsable. Il existe une multitude de facteurs allant dans le sens d’une croissance soutenue des actifs performants et responsables dans les années et décennies à venir.  

Valorisation du risque climatique

Aujourd’hui, le marché ne prend pas encore pleinement en compte le risque climatique dans ses valorisations. Pourtant, ce risque est bien réel et sera inévitablement intégré dans les valorisations des entreprises, à mesure que les conséquences du changement climatique se feront ressentir sur leurs activités. D’ailleurs, les assureurs l’ont bien compris et commencent déjà à intégrer le risque climatique dans leurs modèles. Le coût des catastrophes naturelles a explosé ces dernières décennies : selon France Assureurs18, le coût des catastrophes naturelles en 2023 s’élève à 6,5 milliards d’euros, contre 3,7 milliards en moyenne entre 2010 et 2019. Une tendance qui se retrouve au niveau mondial et qui devrait s’amplifier en raison de la crise climatique.

Les stress tests climatiques, déjà pratiqués par les banques et les assureurs, permettent d’intégrer peu à peu des risques qui étaient ignorés jusqu’à peu. Au-delà du climat, les enjeux liés à la biodiversité commencent à se faire une place dans les stratégies ESG, mais le chemin est encore long.

Catalyseurs de la transition

Plusieurs catalyseurs poussent l’ISR dans la bonne direction. Les réglementations, comme la Taxonomie européenne ou la SFDR, jouent un rôle clé. Elles forcent les acteurs économiques à se structurer et à communiquer de manière transparente sur leurs impacts. Ensuite, il y a les tendances de fond : la prise de conscience croissante face au changement climatique et l’évolution des attentes sociétales. Les investisseurs, notamment les plus jeunes, cherchent de plus en plus à concilier investissement responsable et performance financière pour aligner leurs placements avec leurs valeurs.

Le grand défi des stranded assets

Mais il y a aussi des défis. Les projets comme les infrastructures vertes prennent souvent du temps à se développer. Leur rentabilité n’est pas immédiate, ce qui demande une vraie vision à long terme.

À l’inverse, des risques sérieux émergent pour les acteurs traditionnels, qui n’entament pas de transition de leur modèle économique. Typiquement, certains actifs risquent de perdre brutalement leur valeur face aux conséquences du changement climatique, aux changements réglementaires ou aux avancées technologiques : on les appelle les actifs échoués (ou stranded assets). C’est notamment le cas des infrastructures du secteur pétro-gazier : une enquête publiée dans Nature19 a estimé que, dans le monde, environ 1 400 milliards de dollars d'actifs pétroliers et gaziers risquaient d'être échoués.

Le secteur financier devra s’adapter pour répondre aux exigences croissantes des investisseurs et des régulateurs tout en construisant une vision d’investissement tournée vers le long terme. Le chemin est encore long, mais les signaux sont clairs : les enjeux sociaux et environnementaux ne sont plus une option, mais un enjeu crucial de l’évolution des marchés financiers.

Peut-on affirmer avec certitude que l’ISR surperformera à long terme ? Malheureusement non. Mais de nombreux indicateurs vont dans ce sens : les régulations se durcissent, la réalité du changement climatique se concrétise déjà, et l’attrait des investisseurs se renforce.

Au-delà de la recherche de performance financière, investir dans la transition écologique et sociale est une nécessité. Il est urgent d’adapter nos modèles économiques pour construire une économie résiliente et adaptée aux enjeux du 21ᵉ siècle. La performance financière et l’impact durable ne sont plus en opposition, mais les deux faces d’un même enjeu crucial.

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Bibliographie

  1. KPMG (2017), « L'ISR en France vu par ses acteurs »
  2. Revelli et Viviani (2011), « Les déterminants de l'effet de l'ISR sur la performance financière : une analyse statistique de la littérature empirique », Management & Avenir
  3. Bauer et al. (2005), « International Evidence on Ethical Mutual Fund Performance and Investment Style », Journal of Banking and Finance
  4. Cummings et al. (2000), « The Financial Performance of Ethical Investment Trusts: An Australian Perspective », Journal of Business Ethics
  5. Barnett et Salomon (2006), « Beyond Dichotomy: The Curvilinear Relationship between Social Responsibility and Financial Performance », Strategic Management Journal
  6. AXA IM (2024), « ESG investing: a global investor survey »
  7. Rudd (1981), « Social Responsibility and Portfolio Performance », California Management Review
  8. Luther et al. (1992), « The Investment Performance of UK Ethical Unit Trusts », Accounting, Auditing and Accountability Journal
  9. Morningstar Sustainalytics (2024), « Myth busting: ESG funds aren't more expensive than non-ESG funds »
  10. Markowitz (1952), « Portfolio Selection », Journal of FinanceI
  11. Statman (1987), « How Many Stocks Make a Diversified Portfolio? », Journal of Financial and Quantitative Analysis
  12. Evans et Archer (1968), « Diversification and the reduction of dispersion: An empirical analysis », The Journal of Finance
  13. Jennings (1971), « An Empirical Analysis of Some Aspects of Common Stock Diversification », Journal of Financial and Quantitative Analysis
  14. Freeman (1984), « Strategic Management: a Stakeholder Approach »
  15. Igalens et Point (2009), « Vers une nouvelle gouvernance des entreprises : l’entreprise face à ses parties prenantes », Dunod
  16. AFG (2024), « Étude AFG 2024 – Investissement Responsable en France : une croissance dynamique et durable des encours »
  17. Bauer et Hann (2010), « Corporate Environmental Management and Credit Risk »
  18. France Assureurs (2024), « Pour une France assurable »
  19. Semieniuk et al. (2022), « Stranded fossil-fuel assets translate to major losses for investors in advanced economies », Nature

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