Le secteur immobilier est à la croisée des chemins. D’un côté, il est un moteur économique majeur, représentant une part significative du patrimoine des Français, et créant de l’emploi. De l’autre, il est aussi l’une des principales sources d’émissions de CO2e et de consommation énergétique mondiale. Dans ce contexte, la croissance démographique et l'urbanisation accentuent la pression sur les infrastructures et obligent à repenser la manière de construire et de rénover.
Cet article aborde les défis actuels, les nouveaux modèles économiques à adopter, les réglementations à respecter, et les opportunités d'investissement qui se profilent, avec un focus particulier sur les changements liés à l’épidémie de COVID, les tendances ESG et l’importance des financements durables.
1.Fondations de l'immobilier vert : Enjeux, principes et bénéfices économiques
1.1 L'immobilier : pilier économique et environnemental
Le secteur immobilier est un pilier des économies modernes, englobant la construction, la gestion et la transaction de biens résidentiels, commerciaux et industriels. Il participe directement à la croissance économique, créant des emplois et soutenant des secteurs connexes comme la finance et la construction.
Cependant, ce secteur est aussi l’un des plus grands contributeurs aux émissions de CO2e, responsable de 37 % des émissions mondiales de CO2e selon le Forum Mondial des bâtiments et du climat de 2022. Cette double facette – moteur économique et source de pollution – en fait un secteur clé pour la transition écologique.
En 2024, 55 % du patrimoine net moyen des Français est investi dans l’immobilier, bien plus que dans les actifs financiers (32%)(Bulletin 250/6 de la Banque de France). Ce poids économique est indissociable de son impact environnemental. La transformation vers un immobilier vert, axé sur la durabilité et la réduction des impacts écologiques, est cruciale. Cela permettrait au secteur de maintenir sa dynamique économique tout en jouant un rôle central dans la lutte contre le changement climatique.
1.2 Démographie et urbanisation
La croissance démographique et l'urbanisation transforment profondément le secteur immobilier. Avec une population mondiale qui ne cesse d’augmenter (+17,4% depuis 2010), la demande en logements, bureaux et espaces commerciaux s’accroît de manière exponentielle. En France, cette tendance se ressent particulièrement dans les grandes métropoles comme Paris, où plus de 60 000 nouveaux habitants sont attendus chaque année. Cette pression démographique exige de nouvelles solutions pour répondre aux besoins de logements tout en préservant l'environnement.
La réponse à cette demande accrue passe souvent par le développement de la ville verticale. Ce concept vise à optimiser l’espace disponible en construisant des immeubles plus hauts et plus efficients, intégrant conjointement différentes classes d’actifs immobiliers dans des infrastructures mixtes. Ce modèle permet non seulement de répondre à l’augmentation des besoins en logements, mais aussi de limiter l’étalement urbain et ses impacts environnementaux. À Paris, par exemple, 58% des logements du parc privé affichent une performance énergétique classée E, F ou G. Le constat est inverse dans le parc social. Celui-ci ne compte que 67 200 logements étiquetés E, F ou G, soit 34%.
En parallèle, les développements périphériques se multiplient pour soulager des centres-villes saturés, tout en proposant des solutions plus accessibles financièrement. L'expansion de la périphérie permet ainsi de répondre à la demande tout en créant de nouveaux pôles économiques et résidentiels. Cela entraîne un changement profond des priorités d’investissement, avec un accent croissant sur des projets durables qui favorisent la rénovation et l'efficacité énergétique, soutenus par les politiques publiques et la montée en puissance des critères ESG.
En résumé, la démographie galopante et l'urbanisation croissante placent le secteur immobilier face à de nouveaux défis, où l’innovation et la durabilité deviennent des impératifs pour garantir un développement harmonieux et respectueux de l’environnement.
1.3 L’immobilier vert : définition, principes et avantages :
Les principes de “l’immobilier vert” ou “immobilier responsable” reposent sur une approche globale, intégrant les critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) dans chaque étape du cycle de vie d’un bâtiment, de la conception à l’exploitation.
Il s'agit de répondre aux enjeux environnementaux tout en améliorant la qualité de vie des occupants et en offrant des opportunités économiques attractives aux investisseurs. Ce type d'immobilier, en pleine expansion, attire de plus en plus d'acteurs grâce à ses nombreux avantages, tant sur le plan financier qu'environnemental.
Voici les principaux avantages de l’immobilier vert :
- Diminution de la consommation énergétique : Les bâtiments conçus selon les standards de l'immobilier vert consomment moins d'énergie, ce qui réduit non seulement les dépenses opérationnelles, mais aussi l'empreinte carbone des occupants et des gestionnaires.
- Accès à des incitations fiscales : Les investisseurs et propriétaires de bâtiments verts peuvent bénéficier d’avantages fiscaux, tels que des crédits d’impôt, des subventions pour la rénovation énergétique ou des exonérations de certaines taxes, encouragés par les politiques publiques visant à soutenir la transition écologique.
- Attractivité accrue pour les locataires et acheteurs : Les bâtiments écologiques sont de plus en plus recherchés par des occupants soucieux de leur impact environnemental. De plus, les entreprises locataires peuvent améliorer leur image de marque en occupant des locaux durables.
- Valorisation immobilière : L'immobilier vert tend à mieux résister aux fluctuations du marché immobilier. Grâce à son alignement avec les nouvelles exigences réglementaires et environnementales, il est souvent mieux valorisé à long terme.
2.Investisseurs et occupants : vous êtes acteurs du changement
(Focus sur les changements post-COVID et les nouvelles tendances ESG et ISR)
2.1. Changement des mentalités post-COVID et crise immobilière de 2022
La crise du COVID-19 a profondément modifié les habitudes de vie et de travail, impactant directement le secteur immobilier. L'une des transformations majeures a été la montée en puissance du télétravail, qui s’est largement généralisé. Alors que seulement 3% des salariés télétravaillent en moyenne un ou deux jours par semaine en 2019, on dénombre, début 2022, 15% de télétravailleurs par semaine. Créant une nouvelle demande pour des espaces plus verts, plus grands et plus sains.
En 2022, et selon ORPI “plus d’1 Français sur 10 déclarent avoir déménagé à la suite des confinements, dont 19% ont moins de 35 ans”. Le lieu de travail devenant le lieu de résidence, les confinements successifs ont amplifié le désir de vivre dans des environnements offrant davantage de confort, de nature et de tranquillité, loin des centres urbains denses. Ce phénomène a poussé une part croissante de citadins à déménager vers des zones périurbaines et rurales, augmentant la demande pour des biens immobiliers en dehors des grandes villes.
La crise immobilière de 2022-2023 a également exacerbé la difficulté d'accès au logement pour de nombreux ménages. Avec l'augmentation des taux d’intérêt et la hausse des prix de l’immobilier, l'accès au crédit est devenu plus compliqué, limitant la capacité d'acquisition de certains ménages. En effet, près de 81 % des Français ont déclaré avoir rencontré des obstacles dans l’obtention d’un prêt immobilier.
Cette situation a eu pour conséquence directe de ralentir le marché immobilier, particulièrement pour les primo-accédants et les foyers aux revenus modestes, aggravant les inégalités d'accès au logement.
Parallèlement, les ventes immobilières ont chuté, les acquéreurs potentiels étant découragés par des conditions de financement plus rigides. Le ralentissement des ventes a particulièrement affecté les grandes agglomérations, où les prix élevés ont accentué cette tendance, en dépit d’un léger ajustement des prix dans certaines zones.
Cette crise a donc poussé les investisseurs à chercher des actifs plus stables, comme l'immobilier durable, tout en créant un déséquilibre dans le marché de l'accès à la propriété.
En outre, la flambée des prix de l’énergie a renforcé l’intérêt pour les bâtiments à haute performance énergétique. Les locataires, tout comme les propriétaires, se sont tournés vers des biens plus économes en énergie, pour réduire les factures et faire face à l’inflation énergétique.
2.2 Le rôle des politiques publiques dans la transition et les critères ESG
Les politiques publiques jouent un rôle central dans la transition vers un immobilier durable, en créant des incitations financières et en durcissant la réglementation. Les gouvernements, et notamment en France, mettent en place des mesures visant à encourager la rénovation énergétique et à intégrer les critères ESG dans le secteur immobilier.
Réglementation accrue pour un immobilier durable
Face aux enjeux climatiques, des réglementations renforcées ont été instaurées pour accélérer la transition écologique dans l’immobilier. L’exemple du Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) en France est révélateur : depuis 2021, il est devenu un critère crucial pour la location d’un bien. Les logements mal classés, notamment ceux notés F ou G, qualifiés de "passoires thermiques", seront progressivement interdits à la location. D’ici 2025, tous les logements classés G ne pourront plus être loués, et ceux classés F suivront à partir de 2028. Cela afin d'inciter voire de forcer les propriétaires à entreprendre des travaux de rénovation pour améliorer la performance énergétique de leurs biens.
Les incitations financières : un levier pour la transition
Pour encourager cette transition, le gouvernement français a mis en place des aides telles que MaPrimeRénov’, qui permet aux propriétaires de bénéficier de subventions pour rénover leurs logements. En 2023, plus de 700 000 dossiers ont été déposés, entraînant la rénovation de près de 600 000 logements, montrant l’intérêt croissant des ménages pour ces aides. À noter que 75% des rénovations concernent des logements avec une étiquette énergétique F ou G selon MaPrimerénov.
Parallèlement, des dispositifs comme les prêts à taux zéro et des subventions spécifiques facilitent la rénovation énergétique, rendant ces projets plus accessibles malgré les coûts souvent élevés. Ces mesures aident à accroître la valeur patrimoniale des biens tout en respectant les nouvelles normes.
Le rôle des institutions financières
Les institutions financières ont également un rôle clé à jouer. Certaines banques, comme le CFCAL-Banque, filiale du Crédit Mutuel Arkea, offrent des incitations directes pour soutenir les projets immobiliers durables. Par exemple, elles proposent des taux réduits pour des projets d’acquisition de biens ayant un DPE A, B ou C, ou pour des travaux de rénovation énergétique. Ce type de financement permet de flécher les investissements vers des projets plus respectueux de l’environnement, tout en garantissant des avantages économiques pour les emprunteurs.
Les taux immobiliers 2024 : un frein potentiel
La hausse des taux immobiliers en 2024, due aux politiques des banques centrales visant à freiner l'inflation, ralentissent les investissements. Ces taux plus élevés augmentent directement les coûts d’emprunt pour les particuliers et les entreprises, rendant les projets de construction ou de rénovation durable plus coûteux à financer. En conséquence, certains investisseurs et propriétaires sont contraints de revoir leurs budgets ou de reporter leurs projets, faute de moyens suffisants.
En résumé, les politiques publiques et les institutions financières restent des leviers indispensables pour soutenir la transition vers un immobilier durable. En conjuguant réglementation, aides financières et incitations bancaires, elles alignent le secteur immobilier avec les objectifs environnementaux à long terme.
3. L’immobilier vert : une opportunité d’investissement durable
(Focus sur les bénéfices à long terme pour les investisseurs)
3.1 Bâtir un portefeuille durable avec l’immobilier vert : comment choisir sa diversification ?
Si l’on souhaite profiter d’un investissement en immobilier vert en 2024, il existe plusieurs solutions.
L’investissement peut se faire directement via l’acquisition de biens immobiliers écologiques, ou par le biais de véhicules d'investissement comme les SCI (Société Civile Immobilière) ou SCPI (Société Civile de Placement Immobilier), qui permettent de diversifier les investissements tout en offrant une plus grande accessibilité .
Lire aussi : SCI et assurance-vie : la combinaison gagnante ?
Investir via des véhicules d’investissement
Les SCI et SCPI responsables offrent une voie attractive pour investir dans l’immobilier durable, tout en diversifiant votre portefeuille. Ces véhicules d’investissement permettent de financer des projets ayant des objectifs variés, mais qui restent toujours en ligne avec les critères ESG. Contrairement aux SCI familiales, qui visent surtout à gérer et transmettre un patrimoine entre proches, les SCI de rendement sont davantage orientées vers la rentabilité. Celles-ci sont souvent accessibles via l’assurance vie, permettant aux investisseurs de profiter des avantages fiscaux de ce placement tout en intégrant des actifs immobiliers sélectionnés pour leurs revenus locatifs et leur potentiel de valorisation.
Chaque véhicule peut présenter un focus différent. Par exemple :
- Renouvellement urbain : Rénovation de quartiers en respectant des critères écologiques stricts. Transformation de bureaux en logements neufs.
- Rénovation énergétique : Optimisation de l’efficacité énergétique des bâtiments existants via des systèmes plus performants ou des matériaux innovants.
- Financement de bâtiments verts : Acquisition de biens neufs avec des labels éco responsables, assurant une consommation énergétique minimale (DPE faible).
- Secteurs d’activité thématiques : Investissements dans des infrastructures spécifiques comme des hôpitaux, des écoles, des logements sociaux, répondant aux besoins sociétaux.
Deux labels principaux guident les investisseurs :
- Label ISR (Investissement Socialement Responsable) : Ce label garantit que l’investissement respecte des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Les SCPI labellisées ISR s’engagent à investir dans des projets durables tout en générant un retour financier. (134 fonds labellisés à la fin 2023)
- Label Finansol : Spécifique à la finance solidaire, ce label certifie que l’investissement est dirigé vers des projets à fort impact social et environnemental, soutenant par exemple l’accès au logement social ou la rénovation énergétique.
Bien que certains fonds y soient éligibles, aucun fonds immobilier n'a encore reçu le label Greenfin, qui impose des exigences plus strictes quant à l'impact écologique des investissements. Ce label reste peu courant dans le secteur immobilier en raison des normes élevées qu’il impose, mais pourrait devenir plus fréquent avec l'évolution des réglementations et des attentes en matière de durabilité.
Lire aussi : Le label Greenfin, meilleur label de la finance verte ?
Le choix du promoteur immobilier : un facteur clé
Dans le cadre d’un investissement direct dans un logement neuf, le choix du promoteur immobilier est primordial. Il est important de sélectionner un constructeur certifié par des labels environnementaux qui garantissent des pratiques de construction durables. Voici quelques labels à considérer :
- Label éco-quartier : Assure l’utilisation d’énergies renouvelables, de matériaux biosourcés, et une gestion durable des ressources dans l’ensemble du quartier.
- Label HQE (Haute Qualité Environnementale) : Ce label impose des normes strictes en matière d’écoconstruction, d’efficacité énergétique et de qualité de vie.
- Label Bâtiment biosourcé : Met en avant l’utilisation de matériaux issus de sources naturelles, minimisant ainsi l’empreinte carbone du bâtiment.
Conseil de Goodvest : Aujourd’hui, les opportunités d’investir dans l’immobilier vert sont nombreuses, mais attention : un bon label ou un promoteur réputé ne garantissent pas toujours un placement fructueux.
Il est essentiel de bien choisir ses projets pour allier rentabilité et impact durable.
Lire aussi : Quels sont les meilleurs placements verts en 2024 ?
3.2 Les différents fonds immobiliers verts : un moyen d’investir dans la transition écologique
Chaque fonds a ses spécificités, en termes de stratégie, d'objectifs environnementaux et de rendement. Pour vous aider à faire le bon choix, voici un tableau comparatif des principales SCI et SCPI responsables disponibles sur le marché, afin de mieux comprendre leurs avantages et critères d'investissement.
*À noter : La performance des SCI et des SCPI est calculée différemment. Les SCPI distribuent les loyers perçus sous forme de revenus fonciers, avec une fiscalité importante, car les loyers sont imposés chaque année.
Leur performance est principalement mesurée par le taux de distribution sur la valeur de marché des parts. En revanche, les SCI, lorsqu'elles sont intégrées dans une assurance vie, bénéficient de l'effet de capitalisation des revenus (les loyers perçus sont réinvestis automatiquement), créant un effet composé qui augmente la valeur des parts au fil du temps.
La fiscalité de l’assurance vie permet également de différer l’imposition jusqu’au retrait des fonds, ce qui est souvent plus avantageux pour les épargnants que l’imposition foncière directe des SCPI.
3.3 L’avenir de l’immobilier vert
L’avenir de l’immobilier vert est étroitement lié à l’évolution des politiques publiques et des financements disponibles pour accompagner la transition écologique. Si les innovations technologiques, comme les bâtiments à énergie positive, doivent jouer un rôle majeur dans le secteur, la question des financements publics reste cruciale au travers de dispositifs tels que MaPrimeRénov'. Cependant, le projet de loi de finances 2025 prévoit une réduction du budget alloué à cette aide, passant de 3,3 milliards à 2,3 milliards d’euros, soit un milliard de moins.
Cette réduction des crédits, justifiée par le gouvernement par une "sous-utilisation" des fonds en 2024, inquiète quant à la continuité des efforts nécessaires pour rénover les 5 millions de logements classés "passoires thermiques" en France.
Les futures restrictions sur les conditions d’attribution de MaPrimeRénov’, avec une concentration sur les rénovations plus ambitieuses à partir de 2025, risquent de freiner de nombreux propriétaires, surtout ceux n’ayant pas les moyens de financer des projets complexes. Malgré cette incertitude, les besoins en rénovation énergétique continuent de croître. Les bâtiments à faible impact carbone, comme ceux soutenus par les labels resteront des priorités pour les investisseurs soucieux d’allier rentabilité et durabilité.
La stabilité des financements publics sera donc un facteur clé pour permettre à l’immobilier vert de s’imposer comme la norme dans les années à venir. Pour garantir un avenir durable, il sera nécessaire d’assurer une continuité des politiques incitatives, tout en développant l’éducation des acteurs du secteur pour encourager des choix écologiques et financiers responsables.