En cas de décès du souscripteur d’une assurance-vie, le capital est transmis aux bénéficiaires (si désignés) sans passer par l'actif successoral. Cette particularité entraîne l’application d’un régime fiscal spécifique particulièrement avantageux. Dès lors, quelle est la fiscalité applicable à l’assurance-vie en cas de décès ?
Selon la date d’ouverture du contrat et des versements, vous constaterez que de nombreux régimes fiscaux cohabitent.
Le fonctionnement de l’assurance-vie en cas de décès du souscripteur
L’assurance-vie est souvent utilisée par les particuliers aux fins de constituer une épargne performante en vue de réaliser certains projets de vie et plus récemment d’investir responsable grâce à l’assurance-vie ISR. Mais, l’assurance-vie propose aussi un autre versant permettant de transférer son contenu sous la forme d’un capital à un ou plusieurs bénéficiaires désignés dans le contrat en échappant aux règles de la succession traditionnelle.
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Les règles générales de la succession
En principe, suite à la mort d’une personne, la totalité du patrimoine du défunt (ce qu’on appelle l’actif successoral) doit revenir à ses héritiers légaux et/ou au conjoint survivant. Il est donc fait inventaire de la totalité de ses possessions et de ses dettes avant de procéder aux partages selon les règles civiles propres à chaque situation.
Sur le plan civil, testament ou non, le partage doit respecter le droit des héritiers réservataires. Il est donc en principe impossible de déshériter ses enfants de la totalité de son patrimoine au profit d’un tiers ou de déséquilibrer le partage dans des proportions trop importantes.
Sur le plan fiscal, la transmission du patrimoine du défunt par voie de succession est taxée en France selon le régime des droits de mutation à titre gratuit (même régime que les donations) dont les taux et abattements dépendent des liens de parentés avec le défunt.
Exemple : Pour les successions en ligne directe (parent/enfants), le taux des droits de succession dépend de la valeur du patrimoine transmis. Plus ce dernier est important, plus le taux est élevé jusqu’à atteindre 45 %.
L’impact de la clause de bénéficiaire sur l’actif successoral
L’assurance-vie bouleverse alors les règles de la succession en permettant au souscripteur de désigner des bénéficiaires qui percevront l’ensemble du capital logé dans l’assurance-vie sous la forme de liquidités après son décès. Les sommes ainsi transférées aux bénéficiaires échappent aux règles civiles et fiscales de la succession. En ce sens, elles n’entrent pas dans l’actif successoral du défunt. Cela signifie deux choses importantes :
- Il est possible d’échapper aux règles d’ordre public de la succession grâce à l’assurance-vie (attention toutefois aux primes manifestement disproportionnées) ;
- Le contrat d’assurance-vie permet de bénéficier d’une fiscalité alternative pour optimiser la transmission de son patrimoine au profit de ses héritiers, de tiers ou de personnes fortement taxées dans une succession classique (neveux et nièces par exemple).
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Quelle est la base de taxation de l’assurance-vie en cas de décès pour des versements réalisés avant et après 70 ans ?
Avant de distinguer les différentes fiscalités de l’assurance-vie en cas de décès, il convient de définir la base taxable. Contrairement aux rachats du vivant, la base d’imposition en cas de décès porte sur la totalité des avoirs présents sur l’assurance-vie perçus par chaque bénéficiaire qui est composée :
- Des versements effectués de son vivant avant ses 70 ans ;
- Des gains réalisés (dividendes, plus-values, intérêts…).
Pour les versements effectués après 70 ans sur des assurances-vie ouvertes après le 20 novembre 1991, le régime fiscal change :
- Le capital décès est réintégré dans l’actif successoral après application d’un abattement de 30 500 euros.
- La base taxable étant seulement constituée des versements, les gains issus de ces versements sont alors exonérés de droit de succession.
Une fiscalité calculée pour chaque bénéficiaire
Ainsi, en la présence d’un seul bénéficiaire, la base d’imposition sera la totalité des sommes présentes sur les contrats d’assurance-vie dont il est l’unique bénéficiaire. S’il y a plusieurs bénéficiaires, la base d’imposition dépend de ce qui a été perçu par chacun d’eux selon les règles de répartition stipulée dans le contrat. L’imposition de l’assurance-vie en cas de décès s’apprécie donc bénéficiaire par bénéficiaire.
Le sort de l’imposition latente sur les gains réalisés du vivant du souscripteur
Aussi, les gains générés par les primes versées sur l’assurance-vie échappent définitivement à l’impôt sur le revenu (ou la flat tax) pour se voir directement appliquer la fiscalité en cas de décès. Toutefois, les prélèvements sociaux (17,2 %) non acquittés par le souscripteur défunt sur les gains restent dus.
Remarque : Comme nous l’avons dit, les gains issus des versements réalisés après 70 ans sont néanmoins exonérés d’impôt.
Quelle est la fiscalité actuelle de l’assurance-vie en cas de décès ?
La fiscalité applicable à l’assurance-vie en cas de décès dépend principalement de l'âge du souscripteur au moment des versements. En effet, la législation fiscale distingue entre les versements effectués avant et après les 70 ans du souscripteur, influençant les exonérations et les abattements fiscaux. Voici un résumé des principales règles fiscales actuellement en vigueur.
Versements effectués avant les 70 ans du souscripteur
Pour les versements réalisés avant les 70 ans du souscripteur, l’assurance-vie bénéficie d’un régime fiscal particulièrement avantageux. Les bénéficiaires peuvent profiter d'un abattement de 152 500 euros par bénéficiaire. Au-delà de cet abattement, les sommes reçues sont soumises à un prélèvement forfaitaire unique selon des tranches spécifiques :
- Jusqu’à 152 500 euros : Exonération totale pour chaque bénéficiaire.
- Entre 152 501 euros et 852 500 euros : Prélèvement forfaitaire de 20 %.
- Au-delà de 852 500 euros : Prélèvement forfaitaire de 31,25 %.
Les conjoints et partenaires de PACS sont exonérés de toute imposition sur les sommes perçues, quel que soit le montant.
Versements effectués après les 70 ans du souscripteur
Pour les versements effectués après les 70 ans du souscripteur, le régime fiscal change. Les sommes versées sont réintégrées dans l’actif successoral, mais un abattement global de 30 500 euros s'applique sur l'ensemble des bénéficiaires. Contrairement aux versements réalisés avant 70 ans, les gains générés sur ces versements sont exonérés de droits de succession.
- Abattement global de 30 500 euros : Sur la totalité des versements effectués après 70 ans (hors intérêts).
- Droits de succession : Appliqués selon le lien de parenté avec le souscripteur et les règles fiscales générales des successions.
Lire aussi : Tableau fiscalité assurance-vie succession avant et après 70 ans
Exemple de calcul de fiscalité d’une assurance-vie en cas de décès
Pour mieux comprendre la fiscalité applicable à l'assurance-vie en cas de décès, prenons un exemple concret qui illustre comment les règles fiscales s'appliquent en fonction de l'âge du souscripteur au moment des versements et des montants transmis aux bénéficiaires.
Imaginons un souscripteur, Monsieur Dupont, qui a souscrit une assurance-vie avec les caractéristiques suivantes :
- Versements avant 70 ans : 200 000 euros.
- Versements après 70 ans : 50 000 euros.
- Gains générés (intérêts et plus-values) sur les versements avant 70 ans : 40 000 euros.
- Gains générés sur les versements après 70 ans : 10 000 euros.
- Bénéficiaires : Deux enfants et un neveu.
Pour cet exemple, nous supposerons que Monsieur Dupont décède, et que le capital total de son assurance-vie (versements + gains) s'élève à 300 000 euros. Nous allons voir comment la fiscalité s'applique aux différents bénéficiaires en fonction de la date et du montant des versements.
Calcul de la fiscalité pour les versements avant 70 ans
Total des sommes versées avant 70 ans (200 000 euros) + gains générés (40 000 euros) :
- Montant total soumis à taxation : 240 000 euros.
- Abattement par bénéficiaire : 152 500 euros.
Supposons que les deux enfants reçoivent 1/3 chacun 120 000 euros (un total de 240 000 euros). Chaque enfant bénéficie d'un abattement de 152 500 euros.
- Somme perçue par chaque enfant : 120 000 euros.
- Abattement applicable par enfant : 152 500 euros.
- Montant taxable par enfant : 0 euro (120 000 euros < 152 500 euros).
Résultat : Les deux enfants ne paient aucune taxe sur les sommes reçues, car elles sont inférieures à l’abattement de 152 500 euros par bénéficiaire.
Calcul de la fiscalité pour les versements après 70 ans
Total des sommes versées après 70 ans (50 000 euros) :
- Montant total soumis à taxation après abattement : 50 000 euros - 30 500 euros (abattement global applicable) = 19 500 euros.
- Répartition : Le montant est réparti entre les trois bénéficiaires (deux enfants et un neveu). Supposons une répartition égale, chaque bénéficiaire reçoit 16 666 euros.
Rappel : Les gains issus des versements réalisés après 70 ans (10 000 euros) ne sont pas imposables.
Calcul de la taxation selon le lien de parenté :
- Enfants (héritiers directs) : Chacun reçoit 16 666 euros, mais comme la somme totale à taxer après abattement est seulement de 19 500 euros, l'impôt est calculé sur cette base.
- Neveu (héritier indirect) : Les neveux sont taxés selon un taux de droits de succession élevé de 55 % au-delà d’un abattement spécifique de 7 967 euros.
Résultats :
- Enfants : Ils bénéficient d'un abattement pour les droits de succession en ligne directe (100 000 euros par parent). Si cet abattement n’a pas été utilisé dans les 15 ans pour une donation et que la part hors assurance-vie est inférieure à ce montant, ils n’auront aucun droit à payer.
- Neveu : Il doit payer les droits de succession à un taux de 55 % sur le montant de 8 699 euros (16 666 euros - 7 967 euros), soit 5 219,4 euros d’impôt à payer.
Cas particuliers : la fiscalité de l’assurance-vie en cas de décès en fonction de la date d’ouverture du contrat
Comme pour la fiscalité des rachats, la législation applicable à la fiscalité de l’assurance-vie en cas de décès a été soumise à de nombreuses modifications depuis 1991. Or, le principe de non-rétroactivité de la loi implique la coexistence de nombreux régimes fiscaux dont l’application dépend de deux facteurs :
- la date de souscription du contrat d’assurance-vie ;
- la date des versements effectués.
Ainsi, pour connaître la fiscalité applicable en cas de décès du souscripteur d’une assurance-vie, vous devez dans un premier temps savoir si le contrat a été ouvert avant ou après le 20 novembre 1991. Puis, ventiler les versements effectués avant le 13 octobre 1998 et ceux réalisés après cette date.
Cas particulier n°1 : La fiscalité de l’assurance-vie en cas de décès pour les contrats souscrits avant 20 novembre 1991
Les contrats d’assurance-vie souscrits avant le 20 novembre 1991 se voient appliquer un ancien régime fiscal qui varie selon la date effective des versements.
La fiscalité en cas de décès applicable aux versements effectués avant le 13 octobre 1998
Ce cas de figure est relativement simple puisque l’ensemble des sommes perçues par le bénéficiaire lors du dénouement du contrat sont exonérées de droits de succession. Il s’agira bien entendu que de la partie du capital correspondant aux primes versées par le souscripteur avant le 13 octobre 1998.
La fiscalité en cas de décès applicable aux versements effectués après le 13 octobre 1998
Pour les primes versées après le 13 octobre 1998, les choses se compliquent un peu avec l’arrivée de 3 tranches d’imposition en fonction du montant total perçu par bénéficiaire. L'imposition applicable au capital de l'assurance-vie en cas de décès fonctionne comme les tranches marginales de l’impôt sur le revenu : seule la partie dépassant le seuil est imposable selon le régime de la tranche supérieure, et ainsi de suite.
À noter que sous ce régime, les bénéficiaires conjoints ou partenaires de PACS sont totalement exonérés de droit de succession, peu importe le montant perçu lors du dénouement du contrat.
Cas particuliers n°2 : les contrats souscrits après 20 novembre 1991 avec des versements réalisés avant le 13 octobre 1998
Dès lors que votre contrat a été ouvert après le 20 novembre 1991, vous dépendez du régime actuellement en vigueur sous réserve que les versements aient été effectués après le 13 octobre 1998. Dans le cas contraire, il faudra ventiler les versements en fonction de cette date charnière. Aussi, l’âge du souscripteur au moment des versements prend désormais une importance toute particulière dans le régime fiscal applicable.
La fiscalité en cas de décès applicable aux versements effectués avant le 13 octobre 1998
Si le souscripteur avait moins de 70 ans lors des versements, les bénéficiaires jouissent d’une exonération totale d’impôt sur les sommes perçues.
Pour la partie des versements effectués après 70 ans, le régime change de la manière suivante.